Claude VILARS CONFÉRENCIER -EXPERT EN ARTS
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Porcelaine de Bayeux:
La fabuleuse odyssée : 140 ans de secrets et de luttes révélés
Joachim Langlois, le fondateur intrépide aux multiples talents artistico-technique
En 1812, après la fermeture de la manufacture de Valognes, Joachim Langlois décide courageusement de relancer l'activité porcelainière en Normandie. Il jette son dévolu sur Bayeux pour sa proximité avec Paris, débouché commercial prometteur. S'installant dans l'ancien couvent des Bénédictines, il transfère une partie du matériel et récupère les ouvriers et décorateurs de Valognes pour assurer la continuité de la production et bénéficier de la clientèle existante, conservant même un dépôt commercial sur place. Parallèlement, il ouvre une boutique à Paris et importe le kaolin de Dielette par bateau. Pour se faire connaître, il offre des vases Médicis à l'Impératrice Marie-Louise de passage en 1813, obtenant le prestigieux titre de Manufacture Impériale et Royale. Mais avec la chute de l'Empire, l'activité périclite. Langlois compense en se diversifiant dans les articles techniques et ménagers. Touché par la mort tragique de sa fille en 1815, il persévère néanmoins. Sa curiosité le pousse à expérimenter la caustographie sur porcelaine, technique proche de la lithographie. En 1828, sa production variée et son innovation sont enfin récompensées.
L'héroïque veuve Langlois fait front contre vents et marées
A la disparition de son mari en 1830, Madame Langlois est fin prête à prendre les rênes de l'affaire, après 30 ans de collaboration étroite à Valognes puis Bayeux. Elle peut compter sur ses enfants dévoués, notamment son fils Frédéric, fin technicien. Mais ce dernier les abandonne suite à une dispute religieuse l'opposant à sa famille protestante, pour créer sa propre fabrique. Ce départ handicape sérieusement la manufacture désormais privée de son successeur masculin. De plus, la concurrence parisienne et limousine s'intensifie. Madame Langlois réduit alors la production de luxe onéreuse au profit des articles techniques et ménagers, des valeurs sûres. Si le niveau d'activité se maintient, le déclin menace. Mais elle parvient à préserver la fabrique grâce à une qualité irréprochable, saluée par des médailles aux Expositions. A son décès en 1847, elle laisse une affaire certes amoindrie mais encore viable.
Trahison et drame familial : le déclin fatal des sœurs Langlois
En 1847, les sœurs Langlois tentent avec abnégation de perpétuer l'œuvre familiale. Mais la révolution de 1848 et la récession économique qui s'ensuit portent un coup fatal à la manufacture déjà fragile. Dépourvues du génie créatif et commercial de leur père, elles s'avèrent incapables d'endiguer le déclin. L'effectif fond à 25 personnes tandis que plusieurs ateliers ferment. La production languit malgré quelques sursauts et nouvelles créations. Le cœur lourd mais lucides, Jenny et Sophie se résignent à vendre en 1849 pour sauver ce qui peut encore l'être, après un baroud d'honneur de deux ans pour préserver le legs ancestral. Elles trouvent en François Gosse le repreneur providentiel alliant surface financière et compétence technique pour insuffler un nouvel élan.
François Gosse, le visionnaire aux fours révolutionnaires
François Gosse opère une véritable révolution à la manufacture. Ce Parisien possède déjà un atelier renommé de décoration sur porcelaine dans la capitale. Dès son arrivée en 1849, il arrête les frais sur la production de luxe, beaucoup trop concurrencée. Il mise à la place sur les articles utilitaires (vaisselle, chimie, électricité) et créé une gamme de vaisselle ménagère typique de Bayeux, misant sur la qualité et un décor original. Pour baisser ses coûts, il rachète les carrières de kaolin, installe des fours innovants et importe du charbon. Ses prix s'effondrent tandis que la production explose, passant de 25 à 100 employés. Les succès s'enchaînent aux Expositions universelles. En 21 ans, ce visionnaire hisse la manufacture au firmament et transmet à son fils une affaire florissante.
Paul Gosse, un règne éphémère brutalement interrompu
Fragile de santé, Paul Gosse prend les rênes de la manufacture en 1870, pour un règne éphémère. S'il développe de nouveaux décors, il ne peut imprimer durablement sa marque, contraint de fréquents séjours parisiens pour se soigner. Atteint par la maladie, il s'éteint prématurément en 1874. C'est sa jeune épouse qui tente courageusement de perpétuer l'élan insufflé par la dynastie Gosse, épaulée par leur bras droit Pesnel. Mais rapidement écrasée par le poids des responsabilités, elle préfère céder l'affaire encore florissante après 4 ans à la barre. Elle trouve en Jules Morlent un repreneur fortuné pour amorcer un nouveau chapitre.
Jules et Edouard Morlent
En 1878 Jules Morlent, le premier d'une dynastie qui régnera jusqu'à la fin, prend les commandes de la manufacture. Il opère un recentrage stratégique vers les produits utilitaires, abandonnant les pièces de luxe définitivement. Pour rendre la production plus compétitive face à la concurrence étrangère montante, il entreprend la modernisation des équipements, avec machine à vapeur et tours mécaniques. Associé à son frère Edouard en 1882 sous la bannière "Morlent Frères", ils enchaînent les médailles d'or aux Expositions internationales, signe de l'excellence retrouvée de la porcelaine bayeusaine. Leur pari d'une production rationalisée de masse s'avère gagnant.
Jules Morlent reprend le flambeau et entame la modernisation
Resté seul maître à bord après le retrait de son frère, Jean-Pierre Morlent s'appuie sur son beau-frère Georges Saintville pour diriger la manufacture. Ils accentuent encore la spécialisation dans la porcelaine de laboratoire, dont la demande explose avec les progrès scientifiques. Le fils de Jean-Pierre, Michel, ingénieur talentueux formé à Sèvres, les rejoint en 1934 pour préparer la transition générationnelle. Malgré la crise économique des années 1930, les carnets de commandes restent bien remplis. Mais la Seconde Guerre mondiale porte un coup d'arrêt à leur dynastie naissante. Mobilisé puis prisonnier, Michel ne peut reprendre du service qu'après la tourmente. Son père assure l'intérim dans des conditions épiques.
Les frères Morlent, duo gagnant pour contrer la concurrence étrangère
Sorti exténué du conflit mais miraculé, Jean-Pierre reste seul au commande après le décès de son associé Saintville. Il comprend vite que des investissements massifs sont indispensables pour moderniser l'outil de production obsolète et relancer l'activité dans un monde transformé. Une société anonyme est créée en 1945 sous l'impulsion du directeur Dagron, attirant des capitaux frais. Du matériel dernier cri est installé, dont un four révolutionnaire de 40 mètres de long, l'un des plus avancés d'Europe. Hélas, cette technologie de pointe s'avère désastreuse en pratique. Malgré la mobilisation des Morlent, les pertes s'accumulent. La jeune société doit se résoudre à jeter l'éponge en 1951, signant l'arrêt de mort de la vénérable manufacture bayeusaine.
CONCLUSION:
Ainsi s'achève l'épopée de la manufacture de #Bayeux, fleuron de la #porcelaine_normande qui a brillé pendant 138 ans grâce au talent de familles visionnaires. Faute de modernisation, l'usine ferme ses portes en 1951, emportant avec elle un patrimoine historique considérable. Néanmoins, son esprit pionnier perdure à travers le matériel récupéré par #Parville et la richesse de ses créations, témoignages éternels de l'âge d'or de la porcelaine bas-normande. #patrimoine #histoireindustrielle #fabrication #artisanat
La porcelaine de Bayeux a connu une histoire riche et mouvementée, marquée par des personnages emblématiques tels que Joachim Langlois, le fondateur intrépide, Madame Langlois, l'héroïque veuve, et François Gosse, le visionnaire aux fours révolutionnaires. La manufacture a connu des périodes de succès et d'innovation, mais aussi des moments de déclin et de lutte pour survivre face à la concurrence. La famille Morlent a joué un rôle important dans l'histoire de la porcelaine de Bayeux, en modernisant l'outil de production et en se spécialisant dans la porcelaine de laboratoire. Malgré les efforts pour relancer l'activité après la Seconde Guerre mondiale, la manufacture a dû fermer ses portes en 1951, mettant fin à une aventure de 140 ans.
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Auteur : Claude VILARS expert en Arts
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