Le mobilier d’argent du Roi Soleil est un trésor disparu. Comme l’Atlantide, il est presque devenu un mythe. Mais contrairement au continent englouti, personne ne le cherche plus, car il a bien et bel fondu, plongé tout entier dans les fours de la Monnaie royale. A Versailles, son éclat, symbole de la toute-puissance du roi, a duré sept ans avant de s’éteindre en quelques mois.

Ce mobilier exceptionnel était composé de plus de 3000 pièces d’argent massif, dont des tables, des buffets, des consoles, des guéridons, des chandeliers, des vases et des statues. Il ornait les appartements du roi et les salons du château, créant un effet de splendeur et de richesse inégalé. Il était l’œuvre des meilleurs orfèvres et sculpteurs du royaume, qui rivalisaient de talent et d’ingéniosité pour plaire au monarque.

Mais ce faste avait un prix. Le mobilier d’argent représentait une fortune colossale, estimée à plus de 12 millions de livres à l’époque, soit environ 1 milliard d’euros actuels. Il pesait plus de 20 tonnes et nécessitait une quantité considérable de métal précieux. Or, la France était en guerre depuis 1688 contre une coalition européenne qui menaçait ses frontières et ses ambitions. Les dépenses militaires étaient énormes et les impôts insupportables pour le peuple.

Face à cette situation critique, le roi n’eut d’autre choix que de sacrifier son mobilier d’argent pour financer la guerre. En 1689, il ordonna la fonte progressive de toutes les pièces, à l’exception de quelques-unes qu’il offrit à des souverains étrangers ou à des dignitaires de la cour. Le processus dura jusqu’en 1696 et fut supervisé par le contrôleur général des finances, Colbert de Torcy. Il rapporta environ 8 millions de livres au Trésor royal.

Ainsi disparut le mobilier d’argent du Roi Soleil, victime de la politique et de la nécessité. Il ne subsiste aujourd’hui que quelques témoignages écrits ou iconographiques qui permettent d’imaginer sa magnificence. Il reste aussi le souvenir d’une époque où le roi voulut faire de Versailles le miroir de sa gloire et de son pouvoir absolu.

En un quart de siècle – de 1664 à 1689 –, Louis XIV constitue un ensemble exceptionnel, et jusque-là inédit, de meubles d’argent. Deux cents pièces aux dimensions hors normes : des tables de 350 kg, des miroirs de 425 kg ; la balustrade séparant le lit du roi du reste de sa chambre pesait à elle seule une tonne. Ces meubles d’argent sont le symbole de la magnificence et de la puissance du Roi-Soleil, qui les fait réaliser par les meilleurs orfèvres et artisans du royaume. Ils sont exposés dans le Grand Appartement du château de Versailles, où le roi reçoit les courtisans et les ambassadeurs étrangers lors de somptueuses réceptions. L’éclat de l’argent, rehaussé par les milliers de bougies qui illuminent les salons, crée un effet féerique qui éblouit les visiteurs.

Mais cette splendeur est éphémère. En 1689, la guerre de la Ligue d’Augsbourg éclate et met à mal les finances royales. Louis XIV doit faire face à une coalition européenne qui lui est hostile et qui menace ses frontières. Pour financer ses armées, il prend la décision radicale de faire fondre son mobilier d’argent et de le transformer en monnaie. En quelques mois, ce trésor disparaît dans les fours de la Monnaie royale. Il n’en reste que quelques dessins et gravures qui témoignent de la beauté et de la richesse de ces chefs-d’œuvre perdus.